L'Empire de la nature : une histoire des jardins botaniques coloniaux ...

Recension rédigée par Jacques Frémeaux


C’est un ouvrage ambitieux qui est ici présenté puisqu’il étend son enquête à l’ensemble des empires coloniaux européens, avec le souci d’offrir une approche de l’entreprise coloniale confrontée à son projet de maîtrise et de possession de la nature, mais aussi d’éclairer les rapports sociaux noués entre colonisateurs et colonisés dans ce cas très particulier de l’édification et de la gestion des jardins botaniques.

Le livre se présente en quatre parties : dans « Les empires et leurs jardins », Hélène Blais présente la création des jardins coloniaux comme accompagnant l’expansion coloniale dans son ensemble et constituant un réseau qui implante ses relais dans les métropoles autant que dans les colonies. On trouve ainsi de larges développements sur le Jardin des Plantes de Paris ou sur le jardin d’Essai du Hamma à Alger, mais aussi sur le jardin londonien de Kew, ou encore le jardin de Buitenzorg à Java, création hollandaise souvent appréciée comme un modèle du genre.

« Les jardins, lieux d’exposition impériale » souligne la création et la présence, dans les possessions d’outre-mer, d’espaces ordonnés en fonction des conceptions européennes en matière d’harmonie, mais aussi en matière d’exotisme. Ils constituent aussi un cadre privilégié de loisir pour le public colonial qui en goûte l’arrangement et la tranquillité, acquise souvent par la mise à l’écart des « indigènes ».

 « Les jardins, lieux de savoir » montre à l’œuvre une entreprise scientifique à visée universelle, destinée à répertorier l’ensemble des espèces. Cette partie décrit également les contacts entre une direction essentiellement étrangère et un personnel local qui ne se borne pas aux tâches élémentaires mais participe activement aux travaux de recherche.

« Les jardins, entreprise coloniale », enfin, dépeint l’effort d’acclimatation destiné à promouvoir un marché intercontinental des denrées alimentaires tropicales (café, canne à sucre, quinquina), avec des succès indéniables mais aussi des échecs, comme en Algérie.

La conclusion insiste sur la manière dont les peuples colonisés se sont, selon les cas, sentis dessaisis de la maîtrise de leur milieu par les initiatives coloniales en matière de remaniements botaniques, ou, au contraire, en ont tiré parti, selon des logiques propres. Il faut noter aussi que, après les décolonisations, nombre de jardins botaniques ont été conservés et entretenus avec un soin jaloux, comme des éléments emblématiques du patrimoine national.

Complété par une chronologie, une riche bibliographie et de nombreuses illustrations (dont un cahier de vingt-deux photographies hors-texte), cet ouvrage apporte une contribution de qualité à l’histoire des empires coloniaux.