Histoire de Madagascar : la construction d'une nation

Auteur Sylvain Urfer (coord.)
Editeur Maisonneuve & Larose
Date 2021
Pages 314
Sujets Madagascar-Histoire
Cote 63.755
Recension rédigée par Philippe DAVID


Ce projet collectif, lancé dès 2018, mais retardé par la Covid-19, regroupe six auteurs : trois historiens à Antananarivo et deux en France, mais quatre Malgaches et un Français, sous le coordinateur, jésuite et français, qu’ils s’étaient choisi : Serge Urfer. Celui-ci, jeune “vsn” (volontaire du service national) à Madagascar dès 1965, ordonné prêtre en 1973, revenu à Antananarivo en 1974, a favorisé une première coédition de cet ouvrage en 2020 puis est revenu à Paris peu avant son décès en décembre 2021.

            Le hasard a voulu qu’ici et là-bas j’aie croisé plus ou moins brièvement quatre de ces auteurs. On peut juger leur innovatrice et courageuse entreprise réussie, mais par endroits laborieuse, voire ambiguë. Elle annonce en effet en “introduction” “une publication d’accès facile destinée à un large public qui intègre les derniers résultats de la recherche historique” (p.9). Puis la “conclusion” répète ou précise encore les limites de ce choix et rappelle que les auteurs n’ont pas visé “un public averti” mais opté pour “un manuel qui se veut d’accès facile et qui privilégie (le) public (...) en particulier des enseignants du secondaire et celui des étudiants débutant en histoire à Madagascar” (p.267). Du coup, les lecteurs non-Malgaches seront peut-être peu nombreux s’ils ne sont pas déjà un peu ou beaucoup familiers de ce pays et de sa langue, car la lecture d’un ouvrage, inévitablement très lourd sur chaque page, parfois sur chaque ligne, de vocabulaire malagasy et de noms propres de six, sept ou même huit syllabes (chap. 2, 3 et 4), se révèlera éprouvante. Un trop court glossaire final de deux pages et demie seulement puis un long index des noms propres de dix-sept pages les soulageront peut-être.

            Les autres annexes (seize pages de belles images sur un peu tous les sujets ; quatre de repères chronologiques ; quatre de bibliographie ; dix-huit cartes géographiques et cinq tableaux) sont donc, elles aussi, très nécessaires et bienvenues.

            L’histoire de l’Ile Rouge est découpée en six phases, depuis les premiers peuplements jusqu’aux lendemains de l’indépendance. Elle est, à toutes les époques, très compliquée, très atomisée, parfois encore conjoncturelle et donc difficile à résumer. Ne revenons donc pas sur les cinq premières.

            Soulignons plutôt l’annonce faite par les auteurs : leur ouvrage allait être innovant et peut-être sévère : (ils) “ne cèdent pas (...) aux idées reçues (...) ils font état de nombreux non-dits sans crainte d’aborder des évènements récusés par certains. Leurs assertions pourront étonner (...) scandaliser...” (p.15).

            Il fallait donc s’attendre à des analyses peut-être grinçantes et à des jugements peut-être dérangeants, tout particulièrement dans le chapitre 6 et dernier, le plus sensible, consacré aux séquelles souvent douloureuses de l’indépendance depuis soixante ans. C’est effectivement le cas. Mais, avant d’en évoquer rapidement le contenu, on remarque que c’est le “coordinateur“ français Serge Urfer qui a eu le temps de l’écrire lui-même, à moins qu’il n’en ait été chargé par son équipe. 

            Le bilan était certainement délicat à dresser :  indépendance formelle (et les Français encore partout) au moins jusqu’en 1972, quatre républiques, au moins dix présidents, (dont un assassiné au bout de cinq jours) et onze présidences, “faillite socialiste”, laïcité bafouée”, “élections truquées”, “perte des valeurs” coutumières et religieuses, “destruction...de la biodiversité”, “jeunesse aux abois”, “décomposition sociale”, “pouvoir confisqué” “pratique politique dévoyée”...

            Triste bilan, partiellement explicité çà et là. Il était probablement plus facile à un Français, de surcroît disparu, qu’à un(e) Malgache de le dresser.  

            La conclusion n’y revient pas, n‘y ajoute rien, n’y retranche rien non plus, et rappelle plus simplement (p.271) que “la construction de la nation” exige qu’on “s’approprie la richesse” de l’histoire.