Flore médicale des Antilles : traité des plantes usuelles des colonies françaises ...

Auteur M. E. Descourtilz ; peinte par J. Th. Descourtilz
Editeur H. Chopin
Date 2021
Pages 245
Sujets Plantes médicinales
Antilles

19e siècle
Cote In-4 2140 (Delafosse)
Recension rédigée par Jean-Philippe Chippaux


Michel Étienne Descourtilz (1777-1839) était un médecin français, botaniste et historiographe de la Révolution haïtienne. En 1799, après avoir terminé ses études de médecine, il a voyagé en Caroline du Sud, à Cuba et Haïti. Il détenait un sauf-conduit de Toussaint Louverture, ce qui ne l’a pas empêché d’être « réquisitionné » comme médecin dans les forces de Jean-Jacques Dessalines jusqu’en 1802. Ce dernier, ancien esclave à Saint Domingue, officier de l’armée française pendant la révolution, a été lieutenant-général de Toussaint-Louverture avant de proclamer l’indépendance d’Haïti en 1804 et de devenir empereur du nouvel État la même année.

Au cours de ces pérégrinations entre 1799 et 1802, Descourtilz a collecté de nombreuses plantes, particulièrement dans la région située entre Port-au-Prince et Cap-Haïtien le long de la rivière Artibonite. Retourné en France en 1803, il a exercé comme médecin à l’Hôtel-Dieu de Beaumont avant de venir résider à Paris. Il a exploité sa collection de plantes et connu une brillante seconde carrière de botaniste. Il a décrit le genre Nauchea (Fabaceae) et a présidé la Société linnéenne de Paris [1].

Cet ouvrage est une nouvelle édition de la « Flore pittoresque et médicale des Antilles, ou, Histoire naturelle des plantes usuelles des colonies françaises, anglaises, espagnoles et portugaises » écrite par Michel Etienne Descourtilz et parue en 8 tomes entre 1821 et 1833. Il commémore le bicentenaire de l’édition originale par une sélection de 100 plantes parmi les plus communes utilisées dans la pharmacopée traditionnelle, sur les 594 qui composent l’ensemble de la « Flore ». Celle-ci est introduite par Florent Plasse, chargé du patrimoine à la Fondation Clément, promoteur de cette initiative, et présentée par César Delnatte, spécialiste de botanique tropicale à Biotope en Guyane.

Le livre est composé de quatre parties : la principale, Focus, décrit chacune des plantes choisies par les initiateurs du projet. Elle est suivie par une section qui rassemble sous forme de vignettes (20 par page) toutes les autres plantes de l’ouvrage original, un index des noms communs ; une courte bibliographie actualisée conclut cette édition. Les noms binomiaux des 100 plantes sélectionnées ont été ajoutés au nom commun ou vernaculaire utilisé par l’auteur. A côté d’une illustration signée Théodore Descourtilz, le fils de Michel Etienne, une notice rappelle les caractéristiques de l’espèce, son histoire naturelle, ses propriétés médicinales et son mode d’administration, le plus souvent sur une page, parfois deux.

Les plantes présentées dans cet ouvrage ne sont pas toutes originaires des Antilles, ni même d’Amérique tropicale. La plupart sont cultivées, mais quelques-unes sont sauvages ou ont été importées de l’Ancien Monde à l’occasion du commerce triangulaire.

Les descriptions botaniques sont brèves mais précises. Associées au dessin, à la fois très fidèle et d’une grande qualité esthétique, elles facilitent l’identification de la plante et fournissent des informations botaniques utiles. On trouve pour chacune des 100 variétés sélectionnées, de nombreux commentaires sur son origine, sa culture, lorsqu’il ne s’agit pas d’une espèce sauvage, ses utilisations non médicales, ses indications thérapeutiques, incluant la posologie, avec parfois des références littéraires ou des anecdotes savoureuses - dans tous les sens du terme… Ainsi, on apprend que le cactus est cultivé, certes pour sa consommation mais surtout pour la récolte des cochenilles, parasites servant à fabriquer de la teinture rouge. On découvre également l’usage traditionnel de l’icaquier dont les propriétés astringentes étaient exploitées par les mères qui faisaient prendre à leur fille un bain de siège avant toute rencontre avec un soupirant, afin de resserrer les « sphincters du conduit de la pudeur pour mettre à l’abri leur innocence » et empêcher les plus audacieux d’attenter à leur vertu.

Les plantes cultivées sont plus détaillées, particulièrement celles qui font l’objet d’une exploitation commerciale importante, comme l’anacardier, le bananier, le cacaoyer, le caféier, la canne à sucre, le cocotier ou le manguier. L’auteur souligne l’efficacité thérapeutique de quelques autres - comme le baobab, le gaïac et le médicinier (Jatropha gossypiifolia) - déjà reconnue par divers observateurs, mais pour lesquelles il apporte de nombreux détails intéressants.

Au-delà d’une indiscutable source d’informations scientifiques encore actuelles, ce livre reflète l’approche thérapeutique en usage à l’époque dans les Caraïbes. Très agréable à lire, il est illustré de remarquables dessins de Théodore Descourtilz qui ajoutent une réelle esthétique à l’ouvrage.