L'impérialisme, passé et présent : un essai

Recension rédigée par Marc Aicardi de Saint-Paul


Si pour le mouvement de mai 1968, tout était politique, pour Samir Saul, l’impérialisme est l’alpha et l’oméga des rapports humains. Et ce, depuis la nuit des temps, ou presque, puisqu’il fait remonter son existence à l’ère néolithique il y a plus de sept millénaires. Autant dire qu’il serait consubstantiel à la sédentarisation des êtres humains dans un cadre étatique.

L’auteur reprend chronologiquement tous les stades de ce qu’il considère comme relevant de l’impérialisme et scinde son ouvrage en quatre parties : la première intitulée « L’extraction coercitive : préhistoire de l’impérialisme (Antiquité et prolongements) » couvre la période hellène, romaine et post-romaine. Selon Samir Saul : « La forme primitive de l’impérialisme revêt le caractère d’extraction non voilée de richesses par la coercition… Faisant loi, la force recèle et confère sa propre légitimation ». Ce premier stade terminé, « de politico-militaire, l’impérialisme devient économico-politico-militaire ».

La seconde partie consacrée à : « La captation par la force : l’impérialisme colonial à l’ère moderne » traite du mercantilisme et de la montée en puissance du monde atlantique : tout d’abord le Portugal et l’Espagne, puis les Pays-Bas, l’Angleterre et la France. Ces puissances sont uniquement vues comme prédatrices et esclavagistes, ce qui est caricatural et loin d’être l’apanage des Européens.

Les développements les plus importants se situent dans la troisième partie : « La captation par la force : l’impérialisme à l’ère contemporaine ». Cette période qui s’étend de 1776 à 1945 est scindée en plusieurs phases, uniquement en fonction de théories économiques : impérialisme mercantiliste, apogée du libre-échangisme, impérialisme néomercantiliste.

Enfin, l’auteur traite de l’« incorporation contrainte : l’impérialisme postcolonial au présent ». Il évoque l’« impérialisme au temps des Trente Glorieuse (1945-1973), relais hégémonique et décolonisation », puis  la Mondialisation, la financiarisation, et le rentiérisme.

Samir Saul, universitaire canadien d’origine libano-syrienne est un académique engagé. Il a beaucoup écrit sur le tiers-monde, la colonisation et l’« impérialisme américain » qu’il voue aux gémonies depuis des décennies. C’est dire qu’il aborde ce thème avec un a priori certain.

Aucune puissance européenne n’a grâce à ses yeux, même si sans elles, la planète n’aurait sans doute pas connu un tel progrès dans les domaines scientifiques, techniques ou en matière de gouvernance. Ce qui ne veut pas dire pour autant que les empires qu’elles ont bâtis se sont construits de manière pacifique.

D’autre part, le terme d’impérialisme employé par l’historien n’est qu’un fourre-tout commode qui recouvrirait en réalité tous les types de domination (essentiellement européenne) depuis la nuit des temps, à travers le seul prisme économique, ce qui est assez réducteur. L’Empire soviétique avec son glacis de pays d’Europe de l’Est, la Chine communiste avec l’occupation du Tibet, d’ilots constituant le « collier de perles » et la prédation des ressources africaines ne sont à aucun moment exposés.

En dehors de cela, l’étude qui nous est présentée ici est fort bien documentée, même si le parti pris de l’auteur relativise la pertinence des démonstrations auxquelles il se livre.