Haïti : de la perle au caillou

Recension rédigée par Yves Rodrigue


  Les auteurs brossent un tableau de la pauvreté de ce pays de paysans, jadis si prospère. L’émigration des campagnes vers Port-au-Prince, quand ce n’est pas vers la servitude en République dominicaine, le séisme de 2010 et d’autres aléas du climat ont créé une situation dramatique. Aussi le chapitre consacré à l’histoire s’intitule-t-il « l’indépendance confisquée »

 Convaincus que son salut est dans l’amélioration des petites cultures familiales, les auteurs font un récit sévère des ONG, principaux acteurs de l’aide internationale après le séisme. Leur nombre passé de plus de 500 déjà présents à peut-être 1.000 sans coordination entre elles, sans beaucoup associer les Haïtiens à leurs projets, sans vision du long terme.

            L’œuvre décrit les organismes civils locaux qui eussent fait de bons partenaires ou bénéficiaires d’aides, si importantes parfois qu’il était impossible ou insensé de les épuiser dans l’urgence : Enfants-soleil créé en 1998 pour la santé et l’éducation, à Verrettes une association promouvant les irrigations pour cultiver le riz, les succès du frère Arnaud pour la reforestation, la formation et le creusement de 106 lacs collinaires, Veterimed, créé en 1980, avec à son actif des laiteries locales et le retour des cochons créoles ( éliminés en raison d’épidémie de peste en1980), Paysans Papayes, et AVSF soutenu par la Fondation de France pour accroître la production des mangues, du cacao, du vétiver ou des bananes.

            Parmi les explications au drame vécu par Haïti les auteurs dénoncent le néolibéralisme : critiques de l’OMC contre la gratuité des aides du PAM (Programme alimentaire mondial) diminuant d’ailleurs en raison des agro carburants et de certains lobbys ; Manque moyens de la FAO « dont 70% du budget va aux salaires de son personnel » ; accords signés en 1994 par Aristide,  encouragé par Clinton, pour supprimer les droits de douanes d’importations alimentaires. Résultat : Haïti qui produisait 50% de son riz chute à 3% !

Les auteurs pensent que pour redresser l’économie de Haïti il faudrait : faire une réforme agraire, une réforme foncière, qui suppose l’établissement d’un véritable cadastre ce à quoi la France prête son aide et son expertise sur un programme de quatre ans. Il y a contradiction entre une constitution de 1987 qui établit l’indivision des propriétés et la coutume qui veut qu’elles soient partagées entre les différents héritiers. Veiller à ce que soit tenues les promesses électorales du président Martelly et qu’une loi soit votée en faveur de la décentralisation. Respecter le droit à l’alimentation proclamé par l’article 11 d’un acte de l’ONU de 1966 et battu en brèche par les sociétés multilatérales (page 167). Lorsque Monsanto offrit au gouvernement 400 tonnes de semences gratuitement et que le gouvernement les revendit « à bon prix » la population s’aperçut qu’ils devenaient dépendants de Monsanto obligée qu’elle était de lui racheter les semences et les intrants. C’est un plaidoyer engagé que font les auteurs, solidement argumenté et dont leur conclusion précisent leur attente : que les Français qui partagent leur opinion s’engagent dans l’aide aux petits paysans de Haïti.