Soigner, prier, s'adapter : La Réunion face au choléra de 1859

Recension rédigée par Jean-Pierre Dedet


L’ouvrage retrace l’histoire de l’épidémie de choléra qui atteignit l’Ile de la Réunion en 1859, et qui fut la plus sévère et meurtrière des épidémies de choléra que l’île eut à subir au XIXe siècle. Alors que les précédentes (1819, 1854, 1856) venaient de l’Île Maurice, celle de 1859 trouva son origine dans le débarquement à Saint-Denis d’un convoi d’engagés recrutés sur la côte d’Afrique de l’Est, ayant transité à Madagascar. En quelques semaines, le choléra fit plus de 1000 morts dans la commune de Saint-Denis et s’étendit aux agglomérations des deux côtes (au vent et sous-le-vent). Au total, l’épidémie dura trois mois et fut responsable de plusieurs milliers de morts, avec une surmortalité dans les communautés d’affranchis et d’engagés.

L’ouvrage analyse l’état d’impréparation dans laquelle survint cette épidémie : méconnaissance du choléra à l’époque, couverture médicale insuffisante et mauvaise gestion des flux migratoires. Le chaos et la désorganisation qui en ont résulté furent à l’origine de réactions sociales classiques dans ce genre de situation : fuite, peur (en particulier des immigrants), remise en cause de la médecine officielle, contestation des hiérarchies, recherche de responsables, mesures religieuses conjuratoires. 

Dans le cas particulier de La Réunion, deux problèmes spécifiques ont primé : la remise en cause du système de l’engagisme et le développement du catholicisme dans les populations d’engagés d’origine indienne. Une des originalités de cette situation locale a été le développement d’une dévotion à Notre-Dame de la Salette, avec construction d’un sanctuaire à Saint-Leu (commune épargnée par l’épidémie) qui devint un lieu de pèlerinage, encore fréquenté de nos jours.

Cet ouvrage, écrit en collaboration par deux historiennes de l’Université de La Réunion, mesdames Monnier et Ramsamy-Giancone, est bien structuré, richement documenté et de lecture agréable. Il contribue de façon fort significative à l’histoire des mentalités dans l’île de La Réunion à l’époque où l’engagisme a remplacé l’esclavage dans les plantations de canne. Son apport est important dans l’histoire des idées et de la culture populaire dans une île ravagée par une épidémie de choléra. Un certain nombre de témoignages rapportés dans cet ouvrage en font également, dans un certain sens, une intéressante étude de micro-histoire.

Il est extrêmement satisfaisant de constater qu’il existe à l’Université de La Réunion un Centre de Recherche sur les Sociétés de l’Océan Indien d’excellent niveau et productif, dont l’ouvrage sous revue témoigne élogieusement.



 
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